Entre émotion et fierté
Je vous ai dit que je devais vivre hier une journée unique et vous en avais promis un compte-rendu.
Tout à commencé il y a quelques semaines par un appel téléphonique, puis un arrêté ministériel, enfin il y a quelques jours une invitation officielle. J'assistais donc hier à l'installation du Directeur du nouveau centre pénitentiaire de Béziers, qui accueillera dans quelques jours environ 900 détenus.
2 heures et demi de trajet en compagnie du Directeur du service pénitentiaire de Tarn et Garonne et de mon mari et je découvre cette prison nouvelle génération.
Repas au mess et je dois rejoindre "mon groupe" pour une répétition dans le gymnase, lieu choisi pour accueillir la cérémonie: emplacement, déplacements... le protocole est réglé à la minute et au centimètre près.
Dans mon tailleur pantalon plutôt strict, je suis placée au 3ème (et dernier rang) du groupe, devant le mur du fond, face aux personnalités. Devant le mur à ma droite, les directeurs d'établissements pénitentiaires, en tenue de cérémonie. J'aime bien leur costume, je le trouve très "classe". Au passage celui de la Maison d'arrêt de Montauban m'a embrassée et pris de mes nouvelles. Près d'eux, les surveillants du centre, dans la nouvelle tenue officielle.
Devant le mur de gauche, la brigade anti-émeute puis quelques chaises, dont certaines réservées aux "institutionnels" : juges, parquet... les autres seront occupées par les directeurs de services pénitentiaires, des personnels et des accompagnants.
Arrivée du drapeau et de sa garde, salut au drapeau, musique militaire, Marseillaise. Je ne comprends pas bien les récentes polémiques autour de l'identité nationale. Je ne suis pas attirée par les cérémonies officielles ou militaires mais je suis très respectueuse de l'hymne national, et pas seulement du nôtre, et dans certaines circonstances, j'avoue qu'entendre l'hymne m'émeut. C'est le cas aujourd'hui. Je pensais pouvoir rester non pas indifférente, mais un peu en retrait, pas trop impliquée. Et patatras, voilà l'émotion qui monte...
Tout le monde est en place, M. d'Harcourt, le Directeur de l'administration pénitentiaire (DAP) patron de toutes les prisons semble en retard, le Sous-Préfet aussi, mais personne ne bouge, on n'échange pas un mot.... Leur arrivée marque le redémarrage de la cérémonie. Re-salut au drapeau, re-Marseillaise. Accompagnés par une très belle musique que je ne connais pas, ces autorités et le directeur adjoint de Béziers passent les groupes en revue. Quelques personnalités de la gendarmerie notamment sont au garde-à-vous.
Les ordres tombent "ouvrez le ban" "fermez le ban". Le nouveau directeur en grande tenue est appelé et seul, face au DAP et au Sous-Préfet il écoute le discours d'installation : je ne voudrais pas être à sa place. Le discours est un discours de confiance mais évoque ce qu'on attend de lui et il me semble qu'à sa place je me sentirais investie d'une charge énorme. Il est désormais le directeur de cette belle réalisation et c'est maintenant son tour de passer les groupes en revue, notamment ses effectifs.
Discours officiels : nouvelle loi pénitentiaire, obligations europérennes... le DAP consulte discrètement son téléphone. Pas très protocolaire çà mais j'apprendrai en rentrant hier soir qu'un détenu a pris l'après-midi un surveillant en otage...
"Récipiendiaires, regagnez votre emplacement" ! Le groupe dans lequel je suis se déplace en silence, dans l'ordre qui nous a été indiqué. Nous sommes maintenant au milieu du gymnase, sous le regard de tous. Les appareils photos sont de sortie, les caméras aussi. Le DAP remet l'Ordre National du mérite à deux personnels "au nom du Président de la République..." Puis une Médaille d'or pour une trentaine d'années de service...
le Sous-Préfet décore les personnels placés au second rang, annonçant leur nom pendant qu'on énumère leurs états de service : surveillants, personnels administratifs, 41, 38 , 29 ans de service...
Enfin le Directeur Interrégional décore le 3ème rang. Encore 5 ou 6 personnes et puis les yeux dans les yeux "Madame Jacqueline B...., au nom de Mme la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des libertés, je vous remets la Médaille d'Honneur de l'administration pénitentiaire". Une petite voix intérieure me murmure "ne baisse pas les yeux Quaquie, ne laisse pas monter les larmes". Il épingle la médaille sur le revers de mon tailleur, et pendant que la voix annonce "Madame Jacqueline B...., bénévole de la Croix-Rouge" nous échangeons discrètement un sourire et quelques mots qui attiseront la curiosité lol
Voilà, je suis décorée.
Jamais je n'aurais imaginé vivre ce type de manifestation. Je ne suis pas attachée aux honneurs. Je suis bénévole parce que je sais que partout et dans tous les domaines, on a besoin de l'aide des associations, qu'elles soient caritatives, culturelles, sportives... Je sais que sans les bénévoles certains rouages importants ne fonctionneraient pas. J'ai du temps libre, j'ai la chance de bénéficier d'une retraite qui me permet de vivre décemment, d'avoir une santé relativement bonne et des compétences qui peuvent encore être utilisées.
Le bénévolat me permet de conserver une vie sociale, de rencontrer des gens d'horizons différents, d'établir des relations amicales, de continuer à faire fonctionner mes neurones. C'est beaucoup d'avantages et les honneurs sont inutiles.
Pourtant hier après-midi j'ai éprouvé une certaine fierté car cette distinction c'est la reconnaissance, au vrai sens du terme. Par cette mise à l'honneur, l'Administation concernée, et l'Etat en général, reconnait que les associations et leurs bénévoles ont un vrai rôle à jouer, qu'il y a jusqu'au fond des prisons de la place pour leur action......... et qu'ils en ont besoin !
J'espère dans quelques jours récupérer quelques photos. En attendant je suis heureuse et fière de vous montrer ma médaille, avant qu'elle ne regagne définitivement sa place dans sa boite : d'un côté une très jolie Marianne, de l'autre "honneur et discipline"