Cette année, j'ose enfin...
Bonjour
Je sais que beaucoup attendent des photos de Pexiora et je vous promets à partir de demain une série de reportages sur ce super dimanche. Mais aujourd'hui, nous sommes le 25 février et ....
Je pense que cette année encore, ce 25 février, Lélenne va passer ici pour voir "si je l'ai mis".
Ce qu'atttend Lélenne, chaque 25 février, c'est que je publie ici un texte écrit il y a plusieurs années maintenant, lors du départ de mon papa.
Je n'ai jamais osé le faire, mais puisque cette année j'en ai enfin l'envie et le courage, je vais faire un peu attendre Pexiora.
Avant de le mettre enfin au grand jour, ce texte nécessite une petite explication.
Mon papa nous a quittés brutalement mais pour lui la mort n'était pas tabou et il en parlait. Nous connaissions tous ses dernières volontés : il ne voulait pas de "cinéma" comme il disait, pas de femmes en noir, et surtout pas de messe ni de curé. Il souhaitait qu'on se réunisse, qu'on vide sa cave, être incinéré et que si quelqu'un en avait le courage on vide ses cendres là où il pêchait.
Mais son épouse, ma chère Nizou était croyante, pratiquante et je savais qu'elle aurait souffert qu'il n'y ait pas de cérémonie religieuse. Alors je lui ai proposé de dire une messe "après", à laquelle Papa ne serait pas présent.
Et c'est pendant cet office religieux, alors que le prêtre parlait de la maison de Dieu, de la vie éternelle, de la résurrection que mon esprit a lâché prise. J'ai eu envie de hurler "tu ne sais pas ce que tu dis, mon père ne croyait pas à tout çà, tu ne le connaissais pas..."
Je me suis concentrée pour penser à Papa, les pensées se sont ordonnées, les mots se sont alignés tout seuls...
Après la cérémonie, je n'ai eu plus qu'à les mettre sur papier, tels qu'ils s'étaient imprimés (et le sont encore) dans ma mémoire.
Ce texte, il est resté 17 ans dans l'intimité familiale mais aujourd'hui peu le possède encore.
J'hésite chaque année depuis la création de ce blog, mais pour qu'il ne soit pas perdu, j'ose enfin le mettre ici. Il est brut, tel qu'il m'est venu dans cette petite église, sans aucune retouche
Mon père....
Il se disait athée, ne croyait pas en Dieu.
Mais il croyait en tant d'autres choses.
Il croyait en la famille. Expansif par nature, il n'était pourtant pas un père démonstratif. Il cachait ses sentiments sous une rare et véritable pudeur. Mais il était un père aimant, attentif et de bon conseil. Pour moi, il était "Papa", le père idéal, celui à qui je vouais un amour illimité, une admiration sans borne.
Il était grand-père aussi, "onze fois" précisait-il. Pas un vieux bonhomme, mais un jeune Papi. Il jouait au ballon avec son dernier petit-fils qu'il appelait si tendrement "le piaf" et ne ratait pas une occasion de parler, non sans fierté, de ses "exploits sportifs". Il y a quelques mois, je l'ai vu essuyer furtivement une larme d'émotion en découvrant se première petite-fille en robe de mariée et il pensait, étonné et amusé, qu'il serait sans doute bientôt arrière-grand-père.
Il croyait en la nature. Il aimait la pêche et le calme des bords de rivière. Il aimait la forêt, la chasse, les champignons. Il aimait son jardin, ses arbres... Il ne se passait pas un jour sans qu'il admire "son point de vue", les petits villages de sa campagne aveyronnaise.
Mais il croyait surtout en l'homme, en l'amitié. Il était bon, généreux et chaleureux. Les témoignages sont unanimes pour reconnaître sa serviabilité et sa convivialité. Il répondait toujours présent à ceux qui avaient besoin d'aide et personne ne l'a jamais entendu refuser un service qu'il pouvait rendre.
Sa maison était ouverte à tous et sa table toujours prête à accueillir un ami de passage. Car les amis étaient sacrés pour lui, qu'ils soient des amis de toujours ou des amis plus récents.
Il croyait à la morale ; Il croyait aux vertus : à la générosité, à la vérité, à l'honneur, à la fidélité, à l'honnêteté. Pour moi, et pour beaucoup de ses proches, nulle leçon de morale, il suffisait de le regarder vivre...
Il ne croyait pas en Dieu, mais en toutes ces choses qui faisaient sa vie. Avait-il tort ? Avait-il raison ? peut-être aujourd'hui connaît-il la vérité...
Il s'en est allé, petit feu follet, comme il a vécu, très vite. Un dimanche matin, de bonne heure, comme s'il partait à la pêche. Sans rien demander, sans déranger personne, sans bruit... nous laissant tous là, atterrés, désemparés, si malheureux et si seuls sans lui.
Il a fui notre regard. Nous ne le verrons plus. Il ne sentira plus la chaleur de nos baisers, les caresses de ses petits-enfants. Mais il ne peut nous avoir abandonnés dans ce vide immense. Il restera dans la mémoire de tous ceux qui l'ont aimé. Il me laissera au coeur une blessure qui ne guérira pas, une immense place que rien ni personne ne pourra jamais combler.
Je n'irai pas pleurer, ni prier sur sa tombe ; personne n'ira jamais. Il n'a pas de tombe, pas de terre ni de pierre froide sur lui, pas de plaque portant son nom.
Il est redevenu poussière, comme il le souhaitait. Une poussière impalpable répandue dans ce petit coin de France qui nous a vu naître, lui et moi, dans l'Aveyron, ce département si cher à nos deux coeurs. Il repose, en paix sans doute, près de ce ruisseau qu'il aimait tant.
Il est dans l'eau claire, Il est dans l'air frais de ce début de printemps. Il est dans chaque fleur, dans chaque roseau, dans chaque brin d'herbe...
Et c'est ainsi que nous devons penser à lui, éternellement vivant.
Jacquie