Inoubliable rencontre
Le 25 février dernier, alors que j'évocais la mémoire de mon Papa, je vous disais que j'avais fait, grâce à lui et avec lui, une très belle rencontre, que je vous raconterai plus tard. Le temps passe....
Et puis la semaine dernière j'ai revu à la télévision une adaptation de "vipère au poing" et entendu un nom "folcoche" qui m'a rappelé que je n'avais pas tenu ma promesse. Car "elle" cette grande dame que j'ai eu le bonheur de rencontrer a aussi été la Folcoche de vipère au poing.
Son nom ne dira sans doute pas grand chose aux plus jeunes car elle fait partie de celles et ceux que "les moins de 20 ans de peuvent pas connaître" mais il s'agit pourtant d'une immense comédienne, qui a enchaîné pendant des années les pièces de théâtre, les téléfilms et une importante filmographie : c'est bien sûr la grande Alice Sapritch. Elle a tourné avec les plus grands, a été la Folcoche de vipère au poing, mais aussi Marie Besnard, Catherine de Médicis, la cousine Bette.... Elle était la cible préférée de Thierry le Luron.
C'était en 1964 sans doute, je n'avais pas encore 15 ans. Mon papa, alors correspondant de presse, voulait aller faire quelques photos sur le tournage d'un film qui se passait pas très loin de chez nous, au château de Villarceaux, sur la commune de Chaussy (val d'oise). Il m'a proposé de l'accompagner ce que j'ai accepté avec joie car les occasions de le suivre étaient rares mais toujours très enrichissantes. C'est avec lui que je suis entrée pour la première fois dans la salle de délibération du conseil général, ou dans les salons de la Préfecture.
Ce jour-là nous allions donc au château de Villarceaux, sur le tournage des "deux orphelines"
Dans ce château, on avait créé un décor de misère, une sorte de taudis, avec des toiles d'araignée partout. Je n'imaginais pas alors ce qu'était un décor de cinéma. Ce décor me semblait tout petit et j'ai découvert là ce qu'était le tournage d'un film : beaucoup de temps, beaucoup de travail, beaucoup de patience.... ou d'impatience !
J'étais fascinée ! J'avais l'impression d'être entrée dans un lieu secret, d'assister à quelque chose de secret. Il y avait là Alice Sapritch bien sûr, qui nous a gentiment accueillis, mais aussi Mike Marshall, qui n'est autre que le fils de Michèle Morgan, et le gentil Denis Manuel avec qui papa a discuté un moment.
Au milieu du décor, dans la pénombre Alice apprenait à mendier à une jeune fille aveugle (pour le film bien sûr). Elle lui prenait la main et la faisait trembler légèrement, répétant inlassablement la même scène, les mêmes répliques".... comme si tu avais faim, comme si tu avais froid..." Je revois encore cette scène mais il faut dire que j'ai bien du la voir une bonne dizaine de fois. Une fois c'est Alice qui ne posait pas bien sa voix, une autre, la jeune fille qui n'était pas dans l'éclairage, un problème de son ou de synchronisation. Et sans cesse cette scène "comme si tu avais faim, comme si tu avais froid...."
Entre deux prises, il fallait refaire une partie du décor. Sous la chaleur de l'éclairage, les toiles d'araignée fondaient et il fallait les refaire, à grands coups de bombe (colle ?)
Alice venait alors nous rejoindre pour se délasser un peu, son long et légendaire fume-cigarettes à la main. Elle s'asseyait près de nous, remontant très haut sa robe sur ses jambes et disait à mon père, de sa voix inimitable "çà va chériiiiiiiii ?"
J'ai bien sûr vu le film à sa sortie, çà n'a pas été un immense succès mais j'ai espéré pendant des années le trouver en cassette. J'ai vu sur internet que nous étions nombreux à rechercher ce film, pour des raisons différentes sans doute. Il en existe depuis peu un DVD, que je vais bien sûr m'offrir et que je reverrai sans doute avec beaucoup d'émotion.
Et jamais, jamais, je ne pourrai oublier cette magnifique rencontre, avec cette grande, immense dame du cinéma français.