500 jours !
J'ai longtemps hésité à écrire cet article. Je m'étais dit, "le 317ème jour", puis 400, 450.... enfin pour les 500 jours, en espérant de tout coeur que nous n'y arriverions pas. Et pourtant....
X.. jours de captivité pour Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière !
c'est ainsi que commencent ou se terminent les journaux télévisés depuis de longs mois. 500 jours aujourd'hui ! ! Y fait-on encore attention ? Y pense t'on vraiment ? nous demandons nous où ils sont, comment ils vivent, comment vivent leurs familles et leurs amis ?
Pour moi, ce décompte de jours a une résonnance toute particulière. Je sais ce que veut dire attendre des nouvelles, espérer, se décourager, avoir peur...
C'était en 1998....un mercredi matin, dans la presse locale
Sophie est la jeune directrice de l'école maternelle du village. Je n'ai plus d'enfant en bas âge, je ne la connais pas mais je me présente à elle l'après-midi même pour lui proposer une aide éventuelle. C'est ainsi que j'ai intégré et pris une part active dans l'antenne locale du comité de soutien de son frère Vincent, otage des Tchètchènes. Vincent est fonctionnaires de l'ONU et plus précisément au HCR (Haut Commissariat aux réfugiés) et il a été enlevé dans le cadre de sa mission, le 29 janvier 1998
Commence alors une longue attente ... Pas une attente passive, mais une attente pleine d'actions, riche de rencontres et d'émotions : il faut sensibiliser la presse, la population, informer, prendre des contacts, recueillir des fonds pour les déplacements....
Mais la presse nationale nous boude : les consignes officielles sont "n'attirez pas l'attention, çà pourrait perturber les négociations...." Mais on ne va quand même pas rester les bras croisés, surtout que les infos officielles sont rares, voire inexistantes.
alors on se bouge !
organisation de soirées de soutien
mobilisation de la presse locale
contacts avec tous ceux qui peuvent parler et faire parler de Vincent, avec les "bleus" qui vont disputer un match de foot en Russie
sur la ligne de départ (de Montauban) de l'étape du Tour de France
Chaque "29" a lieu a Tours où résident ses parents, une grande marche silencieuse. Nous y participerons plusieurs fois
marchant en silence près de ses parents et amis, lachant dans le ciel Tourangeot des centaines de ballons jaunes, couvrant les grilles de la Préfecture de tulipes jaunes.... des actions symboliques pour que Vincent ne soit pas oublié...
Pour cela, nous ferons envoyer des milliers de cartes dessinées par des humoristes au Président de la République, au Premier Ministre, au Ministre des Affaires Etrangères nous ferons signer des milliers de pétitions qui seront portés à Matignon ou au Quai d'Orsay dans de grands cartons... nous serons à Paris lors de la visite du 1er ministre russe, cernés par les CRS !
Chaque mois, j'écrirai un article qui sera repris intégralement dans la presse locale
Avec l'accord de mon patron, il y aura toujours au panneau d'affichage du personnel, une affichette jaune donnant les dernières nouvelles
Affichette également sur nos voitures, pour le "Mondial", pour les vacances qu'il ne passera pas en famille....
Mobilisation aussi des élus ou personnalités politiques : d'Hubert Védrines à François Hollande, en passant par notre Député (et ami) de l'époque qui n'a pas hésité à accoster Kofi Anan
Après "les bleus" et les humoristes, ce sont des vedettes du show biz qui acceptent de se mobiliser avec nous : de Claude Nougaro, à Patricia Kaas, en passant par Michel Fugain et zazie
Réunions, appels téléphoniques, lecture de la presse nationale dans laquelle on trouve parfois une petite phrase nous concernant, j'ai l'impression que Vincent occupe tout mon temps libre et toutes mes pensées, de mon réveil au coucher.
Le temps passe, aucune nouvelle n'arrive , l'angoisse monte chaque jour un peu plus, la peur aussi en lisant la presse
Le 10 décembre, nous serons sur la place du Capitole à Toulouse pour distribuer des tracts et faire parler de Vincent qui en ce 50ème anniversaire des droits de l'homme, en est à plus de 300 jours de détention
Nous sommes le 12 décembre 1998, 6h du matin, le téléphone sonne.
Je crie "Vincent ! ! "Pourquoi ? je ne le saurai jamais. Mais à l'autre bout du fil une voix en larmes "Vincent est libre !" Libre après 317 jours de captivité
Aujourd'hui encore les larmes me montent aux yeux en revivant ce moment !
La suite ? pendant plusieurs jours, on ne verra que lui sur les écrans de télévision, et alors que nous n'arrivions pas à faire parler de lui, la presse va se déchainer, Paris-Match, "la vie" et autres journaux lui consacrant plusieurs pages....
Quelques semaines plus tard, à Tours, je faisais enfin la connaissance de celui qui pendant 10 mois a occupé toutes mes pensées et je garde précieusement ce petit mot de remerciement qu'il m'a écrit
J'espère de tout coeur que la longue attente des familles et des amis de Stéphane et d'Hervé va se teminer rapidement, et de façon aussi heureuse que notre attente à nous. Et en ce vendredi 13, je leur dédie ce porte-bonheur