Jacques

Il s'appelle Jacques, Jacques Sirat, et c'est pour lui que je tenais absolument à aller sur la ronde des crèches dimanche et en particulier à Saint Antoine.

Jacques, c'est un homme extraordinaire, qui vit une vie extraordinaire, extra-ordinaire, au vrai sens du terme.

Jacques, je le connais depuis une vingtaine d'années. C'est mon ami, et j'ai pour lui, une immense affection, une infinie tendresse.

Il y a 4 ans déjà, j'allais à sa rencontre, déjà sur la ronde des crèches, avec ma Lélenne.

J'en parlais bien sûr ici, comme de chacune de nos rencontres.

Alors pour ne pas vous raconter à nouveau son parcours exceptionnel, je vous invite à le lire ICI

En 2019 après 24 ans de voyage à travers le monde, à pied ou à vélo, Jacques avait pris la décision d'arrêter sa vie de nomade, de "vagamondiste" comme il le dit lui-même.

Mais il n'a pu tenir cette décision, ayant du mal à se réinsérer dans notre société de surconsommation.

Et en février 2020 il repartait.

Voici ce qu'il écrivait alors

"Il y a un peu plus d’un an, persuadé de mettre un terme à ma vie « cylonomade », je raccrochais mon vélo.  Des images plein la tête et des souvenirs indélébiles devaient m’accompagner dans cette sédentarisation voulue.

Cette décision venait clore 24 années de route en courant, marchant, mais surtout en pédalant aux quatre coins de la planète.  Les derniers tours de roues en compagnie de cyclotouristes agenais me menaient jusqu’au café-vélo où tel un navigateur, je venais « jeter l’ancre ».  Je me trouvais certes en terre connue, mais dans une société qui au cours de ces 24 années a beaucoup changé. Ainsi, les difficultés sous-estimées de ma part m’ont rapidement tourmenté. 

Je me réveille dorénavant dans le même lit, devant le même décor. Une monotonie s’installe insidieusement. Je dois gérer un emploi du temps, prévoir pour les jours, les semaines à venir alors qu’au cours de ces dernières années j’avançais sans savoir où j’allais dormir le soir même. Je ressens dès lors un manque profond s’installer en moi, une tristesse s’immiscer pernicieusement dans mon cœur.  J’ai le sentiment d’être coupé d’un monde dont tout au long de ces années, j’ai perçu les palpitements, « vogué » sur ses artères avec la délicieuse sensation de faire partie de ce grand ensemble.

Petit à petit je m’isole afin, entre autres, de ne pas ennuyer mon entourage avec ce mal-être tellement dérisoire face aux actualités pesantes assénées sur les médias à longueur de journées"

Il est rentré il y a quelques mois, notamment pour une fête surprise à l'occasion des 80 ans de sa maman. Il a aussi pu fêter ses 60 ans en famille, lui qui est né le lendemain de Noël.

Mais ce n'était qu'une escale et déjà il est prêt à repartir.

Pendant une partie de la durée de la ronde des crèches, il a installé un stand à Saint-Antoine, village dont il est originaire.

Il y a exposé des photos de ses voyages, rencontré du monde, répondu à des questions et vendu des calendriers pour financer un peu de matériel.

Le fait qu'il soit sur le stand et les vende lui-même, les 500 calendriers ont vite trouvé preneurs.

Il ne lui restait plus que quelques affiches de ses conférences à vendre et Jacques a donc décidé de quitter la ronde des crèches le 31 décembre.

Voilà pourquoi je voulais absolument aller à St Antoine ce jour-là. Je ne pouvais pas imaginer que Jacques reparte sans le voir.

Je l'ai aperçu, et le temps de se garer, il avait disparu. J'en ai profité pour regarder un peu la jolie crèche sur le thème de "la gloire de mon père" mais j'avais du mal à me concentrer, le cherchant sans cesse du regard.

Et puis nous nous sommes vus, nous sommes précipités l'un vers l'autre pour une longue, très longue étreinte pleine d'émotions, avant de partager un café.

Devant la carte de ses précédents voyages, je  voulais connaître ses intentions, son parcours.... mais Jacques n'a pas de parcours défini, il ira où l'envie le conduira.

Cette fois, il veut faire les 5 continents, mais en évitant les "sauts de puce" car les voyages en avion pour aller d'un continent à l'autre pèsent lourd sur son mini budget, surtout qu'il faut chaque fois, faire suivre les 80 kilos de vélo.

Il devrait partir vers l'est, pour retourner en Inde. Il a aussi envie d'aller en Sibérie, tout en haut, là "où il n'y a qu'une seule route"....

Nous avons papoté un moment, de la situation de notre pays, de celle de l'Argentine que Jacques connait bien, des pays qu'il devra éviter en Afrique compte tenu de leur instabilité.

Je savais qu'il n'avait plus de calendriers à vendre mais j'avais glissé dans une enveloppe le montant des quelques calendriers que j'aurais achetés et Jacques m'a offert la série complète des affiches de ses conférences.

Et puis une nouvelle fois, le destin m'a fait un joli clin d'oeil.

Pendant que nous papotions, un couple s'est approché de nous et après l'avoir embrassé, la dame lui a remis une enveloppe : elle avait pris 10 calendriers pour les vendre autour d'elle et........ il lui en restait un !

Il était bien sûr pour moi.

Devant les affiches, j'ai répété à Jacques, quasiment mot à mot, ce qu'il m'avait dit il y a 4 ans  pour justifier son départ " je n'entends plus rire les enfants. Tu vois, dans les pays pauvres, les enfants vivent dans la rue, ils courent, ils jouent  avec rien, et ils rient. Dans les pays riches, les enfants ne sont pas dans la rue, ils sont devant leur télé, leur tablette et leur jeu vidéo. Ils ne rient pas. Et je veux entendre rire les enfants".

En regardant une affiche sur laquelle figure une souriante petite fille il m'a dit "je vais retrouver ces sourires"

Je savais que le moment était venu de se quitter. Alors on s'est fait les promesses et les recommandations habituelles

"où que je sois Jacquie, le 13 avril, je penserai à toi. Prends soin de toi".

"Moi aussi Jacques, j'aurai une pensée pour toi le 13 avril. Fais attention à toi et ne prends pas de risque".

Une longue, très longue étreinte,  où nous nous sommes dits que nous nous aimons, et je l'ai quitté, sans me retourner, des larmes sur les joues.

Je me demande lors de chaque départ si je le reverrai un jour, et lors de chaque départ j'ai une pensée pour sa maman qui a longtemps cru, ou espéré, qu'il trouverait un travail et resterait ici mais qui voit chaque fois repartir son "vagamondiste" de fils.

Comments

[Gene 11]

Quelle vie hors du comment, quel homme extra-ordinaire comme tu dis.

J'ai plaisir à chaque fois à avoir de ses nouvelles par tes articles à son sujet et j'espère que tu continueras à nous en donner au gré de ses pérégrinations.

[mrose49]

Merci pour ces précisions : je surveillerai la reprise de ses chroniques bien sûr et me documenterai pour son dernier livre .

[ODILE]

Je viens d'aller sur son site et j'ai regardé la vidéo.

On le sent vraiment "mordu", et on peut comprendre qu'ayant vécu ce qu'il vit depuis des années, la réadaptation chez nous ne soit pas envisageable.

Bisous

[mrose49]

J’ai retrouvé la carte qu’il m’avait adressée d”Argentine en Juillet 2022 que je garde bien classée...

[mrose49]

Oh comme je suis heureuse d’avoir des nouvelles de Jacques Sirat par ton intermédiaire ! Je suivais son vagamondage avec beaucoup de plaisir et d’émotions partagées à travers ses récits et ses photos ... sais tu s’il a consigné ses aventures dans un livre car ses conférences étaient trop éloignées pour moi ! Bien sûr je pense à sa maman pour qui il doit être difficile de le voir repartir . Moi égoïstement je m’en réjouis et continuerai à le soutenir modestement, mais c’est quelqu’un de très généreux dans tous les sens du terme ! Alors bon vent à lui et un énorme merci à toi Quaquie pour ce rayon de bonheur que tu m’as apporté aujourd'hui.

[nicolbrod39]

belle histoire d'Amitié, mais je comprends sa Maman...ayant moi-même un "pigeon-voyageur" !

bonne journée, à bientôt,

[BRIGITTE]

On lui souhaite bonne route à la découverte de ces nouveaux horizons

Bonne journée

Bisous

[Fanchon]

Bon vent à Jacques !

Merci Quaquie et belle journée

Fanchon