Grandeur nature, ou presque...
Bonjour,
J'ai eu l'opportunité hier, en tant que bénévole Croix-Rouge, de participer à un exercice d'ampleur nationale.
Le scénario est inconnu d'avance des participants : 9h32, un ingénieur signale un incident sur la centrale nucléaire de Golfech. Aussitôt les dispositions internes prises, la Préfecture est prévenue et le Préfet met en place un PPI (plan particulier d'intervention) qui concerne les 31 communes situées dans les 10 km de la centrale.
La Croix-Rouge fait partie du dispositif de secours à la population.
47 bénévoles vont être impliqués dans cette opération, dont 29 sur le terrain, pour accueillir les populations déplacées à titre préventif (à ce stade il n'y a aucune contamination).
Il est 9h55 quand nous sommes "activés" par le Préfet
Les consignes sont rapidement données à des bénévoles très attentifs
chacun connaît sa place et sait ce qu'il a à faire.
7 véhicules partent en convoi organisé : devant, le véhicule du responsable technique de l'action, avec le gyrophare (je suis dans ce véhicule), derrière le véhicule le plus lent, que nous ne perdons pas de vue pour donner la vitesse du déplacement ; en fin de convoi, un véhicule avec rampe d'éclairage.
Les automobilistes et la population doivent se demander ce qui se passe....
D'autres véhicules, et d'autres bénévoles, partis de d'autres points du département nous rejoindront sur place.
Nous devons nous installer à Lauzerte, à 40 km de Montauban, et 30 km de la centrale, mais ce village a été choisi en tenant compte de la météo et des vents dominants. Le nuage radioactif, si nuage radioactif il y a, partira en direction opposée
Il est donc quasiment midi lorsque nous arrivons dans la salle des fêtes de Lauzerte. Le matériel est déchargé et....
Un bénévole, c'est un humain plein de bonne volonté mais qui a besoin de carburant pour mettre en oeuvre toutes ses capacités
Allez, maintenant, au boulot ! les populations déplacées (les impliqués) sont attendus à partir de 14h : des particuliers venant en véhicule personnel de communes environnantes, des collégiens et des lycéens qui arriveront en bus...
Il faut mettre en place le lot d'hébergement d'urgence. Cet équipement (toujours opérationnel) est constitué de tentes qui ne sont pas des tentes pouvant être installées dehors (pas étanches) mais dans un lieu couvert pour permettre d'isoler des familles, des blessés, d'assurer des soins médicaux, un soutien psychologique...
Je participe à ce montage de tentes
et à la pose des côtés.
Là, c'est souffrance ! il me manque quelques centimètres et je vais passer un long moment sur la pointe des pieds, les bras levés.
J'ai l'impression que mes bras se sont allongés dans l'opération car les dernières tentes m'ont paru moins difficiles...
D'autres équipiers montent et installent les lits picots (çà j'sais pas faire)
installation du percolateur et de la "tisanerie"
Perchés sur des tables, d'autres encore mettent en place la signalétique "Croix-Rouge" et les tables où tout à l'heure 10 bénévoles accueilleront les "impliqués"
En une heure nous sommes opérationnels : 11 tentes, plus de 40 lits - 4 par tente- sont numérotés
le plan de la salle est affiché et évitera les bousculades
C'est le moment des consignes pour les accueillants : présentation des fiches individuelles que nous devrons remplir pour chaque personne accueillie, badge à utiliser obligatoirement, accueil de la presse et des visiteurs....
Je change de poste et me trouve maintenant à l'accueil, comme 9 autres bénévoles
La responsable "jeunesse" prend en charge et guide des collégiens arrivés en bus
Il faut pouvoir faire face à toutes les situations
Le dispositif a bien fonctionné : nous avons accueilli, recensé et guidé - vers le médecin, le psy ou la tisanerie- 94 personnes en 45 minutes !
Dehors, pompiers et SAMU expliquent la décontamination. Ils ne sont ici qu'à titre pédagogique : sur ce site nous accueillons des populations à titre préventif, pas des populations touchés par l'accident nucléaire
On découvre la tenue des pompiers chargés d'armer le caisson de décontamination
Et les enfants, curieux mais néanmoins un peu inquiets découvrent la mesure de radioactivité et la décontamination
La Préfecture n'a pas encore signalé la fin de l'exercice, mais nous n'avons plus personne à accueillir (les enfants sont rentrés pour récupérer leur bus scolaire)
Il faut maintenant faire l'opération à l'envers : plier les côtés, démonter les tentes, replier les lits, tout remettre en sac, dans l'ordre.
On ne sait jamais si demain, on avait besoin du matériel.... espérons que non, mais...
Comme pour le montage, une heure !
En convoi, nous rentrons sur Montauban, la tête pleine d'images, plutôt satisfaits du travail accompli.
Nous sommes accueillis au dépôt par le Président départemental qui n'a pas manqué de féliciter l'ensemble des bénévoles pour leur implication et l'image d'efficacité donnée à la population et à la Préfecture.
En réalité, il s'est passé peu de choses sur notre site d'accueil, quand on lit le communiqué du Préfet : l'exercice a pris de l'ampleur tout au long de la journée, les départements voisins ont du s'impliquer (virtuellement) car notre nuage radioactif ne s'est pas arrêté à la frontière du département, contrairement à celui de Thernobyl.
Cet article n'est pas un compte rendu technique ou officiel. Il n'est que ma participation et mon ressenti personnel
Il est sans doute un peu long et je vous remercie si vous l'avez lu jusqu'à la fin. Mais je n'aurai peut-être pas l'occasion de vivre deux fois la même expérience.
J'espère surtout ne jamais avoir à la vivre "pour de vrai", car si ce scénario devenait un jour réalité, ce seraient 14 000 personnes qui seraient concernées.
çà fait frémir...